Congrès AIPL, Paris 22 septembre 2017-09-23

 
Giulio Ercolessi, président de la FHE

(Audio)

Mesdames et Messieurs,

Cher-e-s Ami-e-s,

Permettez-moi d’abord de remercier chaleureusement l’Association Internationale de la Libre Pensée pour son invitation et son accueil.

Et permettez-moi aussi, en tant qu’italien, d’exprimer mon envie, après avoir écouté une membre du gouvernement français prendre la parole au congrès de la Libre Pensée.

Aujourd’hui comme hier, et peut-être même davantage qu’hier, les mouvements laïques doivent s’unir à travers l’Europe, et, à la lecture du programme de ces quelques jours, je suis heureux de constater qu’une belle collaboration entre différents acteurs laïques et différents pays rencontre un tel succès.

Le projet européen et les droits humaines dans l’Europe entière n’ont jamais été autant questionnés depuis la fin de la seconde guerre mondiale. Les obstacles et les défis à l’unité européenne ne manquent pas: négociations sur le Brexit, montée des populismes d’extrême droite, gouvernements qui violent ouvertement des droits fondamentaux, manque de reconnaissance du rôle et de la liberté de la recherche scientifique, méfiance des citoyens face à un projet qu’ils ne comprennent plus, incertitudes quant au scénario de l’intégration européenne; activisme croissant des différentes Églises et de groupes religieux conservateurs et même ouvertement réactionnaires...

Face à ces menaces, les laïques ont un rôle crucial à jouer. Il nous faut dès aujourd’hui travailler à renforcer les valeurs et principes humanistes qui nous sont chers: impartialité des pouvoirs publics, liberté d’expression, liberté de croire et de ne pas croire, égalité des droits, égalité homme/femme, égalité de droits et de dignité pour les personnes LGBT, solidarité avec les plus démunis, sans oublier les migrants, réfugiés et demandeurs d’asile dont les droits sont bafoués chaque jour, même en Europe, et même par la plupart des gouvernements des états membres de l’Union européenne. Face à la montée des extrêmes, qu’ils soient politiques ou religieux, j’invite tous les laïques d’Europe, et au-delà, à réinvestir le champ des valeurs morales, trop souvent laissé aux conservateurs de tous poils.

Par-là, j’entends la réappropriation de certains concepts clefs que nous progressistes hésitons parfois à utiliser, car trop souvent appropriés, manipulés, détournés par les groupes anti-choix: protection de la dignité humaine, défense de la vie, protection des familles, promotion de la liberté en matière de religion, pour n’en citer que quelques-uns. Il est hors de question de laisser à nos opposants le monopole dans la défense nominale de ces valeurs. Car, pour ne prendre que cet exemple, les laïques aussi défendent bien évidemment les familles, mais dans une conception inclusive, ouverte aux multiples formes de famille telles qu’ils existent et que nous tous connaissons désormais.

C’est l’un des objectifs que la Fédération Humaniste Européenne, s’est fixée: se réapproprier ces principes et valeurs. Notre fédération aujourd’hui regroupe plus de 60 organisations diverses (laïques, humanistes, athées, rationalistes, sécularistes, etc.) qui se retrouvent sur les mêmes valeurs. Avec ses partenaires, des associations féministes, de planning, de défense des droits LGBT, et même des religieux progressistes, notre fédération s’emploie à porter un message laïque et progressiste auprès des décideurs européens, auprès du Parlement européen et du Conseil de l’Europe et de l’ONU.

Ainsi en juin dernier, nous avons rencontré Frans Timmermans, le premier Vice-président de la Commission européenne en charge des droits fondamentaux. Début septembre, nous avons rencontré la présidence estonienne du Conseil de l’UE à Tallinn. La semaine dernière, nous étions à Varsovie pour la réunion annuelle de l’OSCE où nous avons appelés à la protection des non-croyants en danger, de par le monde. Et en début de semaine, nous étions à l’ONU à Genève pour défendre le droit à l’avortement. Quoi que l’on pense des orientations de la construction européenne, cette présence est indispensable à notre avis pour porter une voix laïque et ne pas laisser le champ libre aux Eglises et aux organisations religieuses conservatrices ou réactionnaires.

Avant de conclure, j’aimerais attirer votre attention sur un sujet qui m’est cher: celui de la laïcité comme facteur d’intégration. Dans de nombreux pays d’accueil, l’intégration des migrants, réfugiés et demandeurs d’asile est surtout basée sur le dialogue interreligieux. Comme vous le savez, certains migrants doivent quitter leur pays précisément parce que ils ne supportent plus la pression des extrémistes religieux. C’est le cas des migrants non-croyants, athées, agnostiques et libre-penseurs mais aussi homo, bi et transsexuels. Lorsqu’enfin ils se retrouvent dans nos pays, parfois au sein de milieux à forte concentration immigrée, souvent ils ne se sentent pas libres d’affirmer leur laïcité. Nous, nous ne devons pas être timides: nous devons oser affirmer que la laïcité est le meilleur vecteur d’intégration de la diversité. C’est une question de vivre ensemble, mais également de dignité humaine et de liberté individuelle. Notamment lorsque dans certains pays, comme le mien en Italie, l’aide sociale aux migrants passe trop souvent et surtout par les organisations religieuses.

Je termine sur ces quelques pistes de réflexion et vous remercie d’avance pour ces échanges qui je le sais, seront constructifs pour la laïcité européenne et internationale.

 

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